Mai sanglant

Dadolin Murak, poète timorais, a publié ce poème en mai 2019 pour marquer l’anniversaire de « Mei Berdarah » (mai sanglant) de 1998, lorsque des Indonésiens d’origine chinoise ont été victimes de massacres et de viols. Le poème de Dadolin Murak, écrit en indonésien, est présenté ici en traduction anglaise. Il chante des souvenirs de violence de mai 1998, du souvenir contesté de ces meurtres, et du silence impose par les élites dirigeantes de l’état indonésien.

 

Mai sanglant

Dadolin Murak

 

Le feu a dévoré

les maisons

des descendants chinois

tous leurs biens

pillés

Jakarta pleure

 

Dans les recoins des chambres

à l’intérieur des taxis, aussi

dans les éspaces vides sous les ponts

elles pleuraient … elles criaient

sans verser de larme

elles hurlaient

leurs cris muets

leurs gorges nouées

 

Vagins ensanglantés, blessures mortelles

elles ont été violées une après l’autre

leurs violeurs inassouvis

ensuite poignardées

avec des gourdins de bois

toujours inassouvis, puis

leurs cous coupés

sans pitié

 

Tous les généraux

faisaient semblant de ne rien savoir

« ceci est hors de notre contrôle »

ainsi les autorités s’en lavaient les mains

« ceci résulte d’une violence collective »

Mille et une excuses

coulant habilement

de la bouche de ceux au pouvoir

 

Des décennies plus tard

les cris et les pleurs

résonnent toujours

des espaces sous les ponts

de l’intérieur des taxis

des hôpitaux, et

de tous les coins

de la Capitale de la République

toujours les oreilles et les cœurs de ceux au pouvoir

toujours sourds